Sophie Binet : « la CGT refuse de laisser la culture aux mains du capitalisme»

La secrétaire nationale de la CGT Sophie Binet est au festival d’Avignon. Entre deux spectacles, elle va à la rencontre des salariés intermittents du spectacle mais aussi des saisonniers. Entretien.

Tandis que la ministre de la Culture, dans le cadre de son plan de communication désormais bien rodé, se montre un peu partout à Avignon sur l’air de “tout va très bien, madame la marquise” Sophie Binet, présente au festival depuis jeudi dernier est allée au-devant des salariés du secteur de la culture comme celui de la restauration et de l’hôtellerie.

La secrétaire nationale de la CGT alerte sur le cas du licenciement d’un délégué syndical de l’entreprise Sonelog après une grève au printemps pour les salaires. Une première qui sonne comme un pas de plus dans la répression anti-syndicale

Quel est le sens de votre présence au Festival d’Avignon ?

Ne pas laisser la culture aux mains du capitalisme. Le capitalisme a compris que la culture représentait un grand marché. La financiarisation du secteur, l’extrême concentration des médias, de la production ou encore de l’édition est à l’œuvre. La CGT est là pour défendre et protéger la liberté de création. Une liberté qui fait l’objet d’attaques de plus en plus inquiétantes par certains qui pensent pouvoir décider de tout parce qu’ils payent. Ce sont des méthodes qui flirtent avec l’extrême-droite. Une extrême-droite dont la stratégie pour accéder au pouvoir repose sur une idéologie de reconquête de la culture.

Quel est le rôle spécifique de la CGT pendant le festival ?

Nous sommes présents depuis la création du festival d’Avignon. Nous organisons les travailleurs du spectacle et nous portons notre vision d’un théâtre populaire. La CGT a deux salles pendant le festival qui accueillent des spectacles, l’une à la Bourse du travail, l’autre à la Rotonde, le théâtre des cheminots.
Nous avons créé une école du spectateur sous la forme d’une semaine de formation ouverte aux syndicalistes pour, entre autres choses, repenser le rôle des CSE. La marchandisation de la culture a fait baisser la garde. Dans les CSE, on a délaissé l’idée d’investir dans la politique d’accompagnement au long cours au profit des chèques culture. On retrouve le même phénomène pour les colonies de vacances, avec distribution de chèques vacances et de moins en moins de centres d’accueil.

La CGT est présente aux côtés des salariés du spectacle mais aussi des saisonniers

Ils sont nombreux à Avignon dans tout ce qui relève de la restauration et de l’hôtellerie. Les militants de la CGT vont à leur rencontre pour les informer de leurs droits. Leurs conditions de travail se sont dégradées, tant au niveau des salaires que pour pouvoir se loger. Nous sommes présents ici mais aussi sur le Tour de France, partout où travaillent des saisonniers . La CGT défend le droit aux vacances mais ses militants n’hésitent pas à se relayer tout l’été et restent mobilisés.

Vous avez rencontré Tiago Rodrigues, le directeur du festival ?

Oui. Nous avons eu un échange intéressant. Nous partageons la même vision du service public de la culture. Comme pour toutes les autres structures publiques, il doit faire face à des budgets en berne qui affaiblissent la création artistique.

L’entreprise de logistique Sonelog au Pontet s’apprête à licencier, avec l’aval de l’inspection du travail du Vaucluse le délégué syndical de la CGT. Si cette décision est confirmée, elle peut faire jurisprudence ?

Les salariés de cette entreprise ont fait un mois de grève pour l’augmentation de leurs salaires. Dans un premier temps, la direction a refusé de négocier. Puis les deux parties sont parvenues à la signature d’un accord mais la direction a décidé d’engager une procédure de licenciement contre 20 salariés grévistes. Maintenant, ce sont dix d’entre-eux qui se retrouvent au chômage, dont le délégué syndical de l’entreprise. La répression syndicale ne connaît plus de limites. Je n’envisage pas que le licenciement du délégué syndical soit confirmé. Nous allons faire remonter le dossier jusqu’à la Première ministre lors de notre rencontre la semaine prochaine.

Le mouvement des retraites a remis en lumière l’importance des syndicats…

Oui, nous avons réalisé pendant le mouvement près de 40 000 adhésions. Nous prenons des dispositions pour bien accueillir tous ses nouveaux adhérents.

Quid de l’intersyndicale ?

Nous allons nous réunir fin août et faire le point pour préparer la rentrée.

   dimanche 9 juillet 2023

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