Il y a quelque chose de pourri au royaume de France, pourrait-on dire en paraphrasant Hamlet.
Après cinquante-neuf jours de « trêve politique » ornementée des couleurs des Jeux Olympiques, l’été s’achève avec la nomination poussive d’un premier ministre au profil en total décalage avec le résultat des élections législatives. Bienvenue en terres illibérales !
Il aura fallu d’interminables heures à Emmanuel Macron pour trouver dans un vieux carton la clef du labyrinthe dans lequel il s’est lui-même enfermé. Mais, sans surprise au regard de son cynisme insensé, la porte de sortie qu’il propose au pays a tout d’une impasse démocratique.
Alors que les électrices et les électeurs se sont déplacés en masse pour barrer la route à l’extrême droite, le président a fini par jeter son dévolu, avec Marine Le Pen en arbitre de ses hésitations, sur l’ancien commissaire européen Michel Barnier, issu du seul parti à avoir refusé le front républicain, Les Républicains, arrivés en dernière position le 7 juillet, avec 5,4 % des suffrages exprimés.
La mascarade anti-démocratique continue. Après avoir fait prendre à la France le risque de voir le Rassemblement national, en pleine dynamique électorale, accéder au pouvoir en décidant, dans l’isolement le plus complet, de dissoudre l’Assemblée nationale, Emmanuel Macron persiste à ignorer le message d’un scrutin qui a porté en tête le Nouveau front populaire, rassemblant les partis de la gauche et des écologistes. Présentée par cette coalition aussi relative soit-elle, Lucie Castets, selon la logique institutionnelle, aurait dû être nommée à Matignon depuis le mois de juillet.
Mais, en écho au déni du « non » au Traité constitutionnel européen (TCE) en 2005, le chef de l’État ne se sent pas tenu par les usages républicains. Souhaitant poursuivre quoi qu’il en coûte sa politique néolibérale, carburant de la colère sociale, il a choisi le plus petit dénominateur commun de la fusion des droites qui, il l’espère, n’entravera pas ses projets, tout en endormant les Français sur la crise de régime en cours.
Ne nous laissons pas anesthésier ! Les 30 juin et 7 juillet, le pays s’est rendu aux urnes en masse pour faire face au péril fasciste et rejeter la politique macroniste. Il n’a pas été entendu. Mais la vitalité démocratique ne se limite pas à la participation aux élections. Elle se mesure à la capacité d’une société à se manifester face aux abus à chaque fois qu’ils surviennent et à la détermination des médias à assumer sans discontinuer leur rôle de contre-pouvoir. Alors que la menace raciste et anti-sociale de l’extrême droite n’a pas disparu, bien au contraire, et que le pays vit en sursis de ce danger, en raison de son alliance tacite avec la macronie, le pire serait de s’habituer aux pratiques démocratiques dégradées. Les laisser faire reviendrait à les légitimer.
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Un parti pris de Carine Fouteau
Directrice de la publication de Mediapart depuis mars 2024