LE POIDS POLITIQUE DES ASSOCIATIONS DE TRAVAILLEURS LES PLUS RADICALES NE CESSE DE RECULER, COMME LEUR POUVOIR D’ATTRACTION.
Chant du cygne Pour la quatrième année consécutive, les syndicats de travailleurs CGIL et UIL, classés à gauche, appellent à une grève générale le 29 novembre prochain contre la politique économique du gouvernement.
Depuis quatre ans, chaque année, les deux principaux syndicats de gauche, la CGIL (la CGT italienne) et la UIL (association que l’on peut comparer à Force ouvrière), appellent à une grève générale contre la loi des finances. En 2021, le mouvement visait directement le gouvernement de Mario Draghi.
Cela n’a pas changé avec Giorgia Meloni, qui va donc essuyer sa troisième grève générale le 29 novembre prochain.
Les syndicats appellent à la mobilisation avec des mots d’ordre très divers. Pas de réforme ou de mesures dans leur collimateur, c’est la politique économique du gouvernement au sens large qui est en cause.
« Pour réduire la dette, le gouvernement a choisi de réduire les dépenses publiques. Pour équilibrer les comptes on peut également agir sur les recettes et dégager des ressources en faveur des salaires et des retraites, augmenter les fonds pour la santé publique, investir dans les écoles. Il faut changer toute la loi de finances », estime ainsi Maurizio Landini, secrétaire général de la CGIL, qui n’a de cesse de se poser en opposant aux gouvernements successifs depuis son élection à la tête de cette organisation, en 2019.
Plus radical que ses prédécesseurs, il illustre cette volonté des syndicats de garder une certaine autonomie par rapport aux partis politiques.
La plateforme programmatique commune entre la gauche traditionnelle et les associations des travailleurs existe de moins en moins. Et la CGIL a désormais son propre agenda, misant sur la défense de « tous les droits », selon Landini, qui réclame aussi l’abolition de la « loi sécurité » de Giorgia Meloni, laquelle prévoit une vingtaine de nouveaux délits et d’alourdissements de peines.
La cheffe de file de Frères d’Italie ne semble d’ailleurs pas très préoccupée par cette mobilisation : « Je note un léger préjugé sur mon gouvernement » a-t-elle ironisé à l’annonce de la grève générale, qui divise le front syndical : la CISL, organisation catholique, n’a pas adhéré au mouvement, au grand dam des syndicats plus radicaux.
- Perte d’influence.
Ce relatif isolement de la CGIL sur le terrain de la lutte politique est à l’image du recul du nombre de ses adhérents et de sa popularité auprès des travailleurs. « Depuis les années quatre-vingt, le taux de syndicalisation est en baisse partout en Europe, sauf dans les pays nordiques, constate Paolo Santini, économiste à la Co-penhagen Business School et auteur d’une longue étude sur le déclin des syndicats et ses conséquences.
L’Italie, qui a toujours connu un syndicalisme plus fort par rapport à la France, ne fait pas exception : le taux d’adhésion a atteint un pic de 50 % en 1977.
Aujourd’hui, il est beaucoup plus bas, aux alentours de 18 %. Cela se traduit par une perte d’influence inévitable ».
Comme ailleurs, les syndicats italiens ont été pris à contrepied par la transformation du marché du travail, la diminution du poids de la manufacture, la prédominance des services et l’évolution des contrats de travail. « La diminution des inscrits ne reflète pas un phénomène d’abandon, analyse Paolo Santini.
Les syndicats ont du mal à recruter des nouveaux inscrits parmi les jeunes travailleurs, c’est une question culturelle mais aussi pratique, car les salariés moins âgés ont désormais tendance à changer de travail fréquemment. Les attirer est beaucoup plus difficile aujourd’hui qu’il y a quarante ans. Le résultat est que le poids de la fonction publique et des retraités, sur la totalité des inscrits, augmente ». Avec 47,9 % des inscrits à la CGIL qui ont quitté la vie active, peut-on d’ailleurs encore parler d’une association des travailleurs ?
N° 2883
lundi 4 novembre 2024
par Francesco Maselli