Objet : Demande d’éclaircissements sur l’organisation des concertations retraites.
Monsieur le Premier ministre,
Dès votre nomination à Matignon, lorsque vous avez reçu les organisations syndicales, nous vous avions indiqué pour la CGT l’urgence d’abroger la réforme des retraites, étape vers la retraite à 60 ans que nous défendons. II s’agit d’une exigence sociale mais aussi démocratique alors qu’une large majorité de Françaises et de Français comme de député.e.s sont toujours opposés à cette réforme.
Lors de votre déclaration de politique générale vous avez annoncé la mise en place de concertations sur les retraites avec pour seule exigence de ne pas dégrader l’équilibre financier. Le rapport de la cour des comptes a confirmé les chiffres du COR, indiquant qu’il n’y a ni déficit caché, ni dérive incontrôlée des régimes de retraites qui resteront autour de 14% de Piß, malgré l’augmentation du nombre de retraités, du fait des violentes réformes imposées au monde du travail depuis 1993.
Cependant, ce rapport confirme ce que les organisations syndicales disent depuis 2 ans : la violente réforme de 2023 n’a même pas permis de rétablir les comptes. II faut donc abroger cette réforme et concentrer le débat sur les leviers pour augmenter les recettes de nos régimes de retraites
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Suite à la réception, le 27 février dernier, de votre lettre de mission sur l’organisation de ces concertations, je tiens au nom de la CGT à vous demander des éclaircissements sur 4 points majeurs.
- Dans votre déclaration de politique générale vous avez fixé pour seule exigence la nécessité de ne pas dégrader l’équilibre financier. Pourtant, dans votre lettre de mission, vous fixez comme nouvelle exigence de rétablir l’équilibre financier des retraites à horizon 2030. Alors que l’objectif initial était de financer l’abrogation de la réforme pour qu’elle soit neutre pour les finances publiques- soit, d’après les chiffres de la cour des comptes un besoin de financement de 10 milliards environ à horizon 2030- l’addition est ainsi alourdie de 6,6 milliards en 2030 et 15 milliards en 2035, ce qui change considérablement la donne et laisse à penser que ces concertations visent à réaliser une nouvelle réforme!
Ce d’autant que vous indiquez que ces propositions ne doivent pas dégrader la « compétitivité » de notre pays, en faisant référence à un deuxième rapport de la cour des comptes que vous avez commandité depuis. Alors que le président de la cour des comptes s’était engagé à ne privilégier aucune piste pour ne pas influer sur les concertations, son premier rapport reprend déjà des chiffres totalement contestables du Trésor laissant croire qu’augmenter les cotisations sociales supprimerait des emplois.
Étonnement, personne ne s’inquiète de l’effet récessif d’une baisse des pensions des retraités, ou de l’augmentation du chômage et des incapacités professionnelles liés au report de l’âge de départ en retraite…
Suite à l’interpellation de la CGT, le président de la cour des comptes a été contraint de reconnaitre que ces prévisions n’étaient pas établies. Les concertations n’ont même pas débuté qu’elles sont déjà corsetées de façon inacceptable, et l’orientation de ce 2° rapport nous inquiète au plus haut point !
- Dans la lettre de mission, vous indiquez qu’à défaut d’accord, la loi actuelle s’appliquera. Ceci revient à placer le patronat en position de force. li le martèle, il tient à cette réforme et n’aura donc aucun intérêt à faire des concessions puisqu’il sait qu’en l’absence d’accord, la réforme continuera à s’appliquer ! La réforme des retraites a été imposée sans vote du parlement, contre l’avis d’une large majorité de françaises et de français et malgré une mobilisation sociale historique, il s’agit donc aussi d’un enjeu démocratique.
Comme vous vous y êtes engagés face aux députés le 16 janvier, il est fondamental de garantir qu’en tout état de cause, c’est le parlement ou le peuple qui auront le dernier mot ! - Ces concertations sont ouvertes pour renforcer notre système par répartition. Elles ne peuvent donc pas avoir pour objet d’introduire un régime par capitalisation qui confierait nos retraites à des fonds spéculatifs. Nous fêtons cette année les 80 ans de la sécurité sociale, bâtie en 1945 par les mouvements de Résistance pour souder la Nation par un principe de solidarité.
C’est ce système par répartition qui nous a permis de tenir face à toutes les crises alors que de nombreux fonds de pension s’effondraient.
C’est ce système par répartition qui est notre meilleure garantie face aux incertitudes financières, environnementales voire géopolitiques qui menacent nos sociétés. Pourtant, face à la demande insistante du patronat, vous n’avez pas écarté la capitalisation des concertations qui s’ouvrent. Nous vous demandons un engagement clair sur ce point. - Enfin, alors que nous vous alertons depuis des semaines, votre courrier ne clarifie pas le périmètre des discussions en maintenant un « format du 17 janvier» associant certaines organisations syndicales et patronales mais pas toutes.
Le gouvernement ne peut choisir ses interlocuteurs. Les discussions sur le régime général doivent se tenir avec les organisations représentatives, et toutes les autres discussions plus transversales, ayant un impact sur l’ensemble des régimes, doivent associer l’ensemble des organisations syndicales et patronales.
Monsieur le Premier ministre, comme vous le savez, la question des retraites est un sujet majeur pour les Françaises et les Français. La CGT restera toujours porteuse du mandat des millions de salariés, de jeunes et de retraités qui se sont mobilisés pendant 6 mois pour dénoncer la réforme des retraites.
Nos propositions pour financer l’abrogation de la réforme des retraites sont prêtes, nous vous les avons remises dès janvier. Cependant, les concertations ne pourront avancer de façon équilibrée si les quatre points listés ci-dessus ne sont pas clarifiés.
Vous remerciant par avance de votre réponse, je vous prie d’agréer, M. le Premier ministre, l’expression de mes sentiments les meilleurs.
Sophie Binet,
Secrétaire Générale de la CGT
confédération générale du travail- 263 rue de Paris- 93516 Montreuil cedex- Tél. : 01 55 82 80 00 / http://www.cgt.fr